C'est un des mythes de la navigation de plaisance que je mets enfin à mon palmarès.
Cette traversée est la plus longue distance que j'ai accomplie jusqu’à présent.
Je l'ai abordée avec un esprit serein et un sens pratique issu de mes diverses lectures,
notamment le site de Caramel
où j'ai abondamment puisé pour la partie technique ci-dessous et que vous pouvez visiter pour plus de détails.
Avant propos
Une transat est une longue traversée en haute mer, bien moins hostile que les côtes terrestres et qu'on aborde à la bonne saison (de fin novembre à mars).
La longueur de la traversée va nous permettre de changer de rythme, de prendre celui des quarts, lent et serein.
Je ne m’ennuie pas à bord entre les occupations ménagères et la surveillance de la navigation. De plus, je suis un contemplatif qui aime regarder la mer, les animaux, les grains, les couchers de soleil, la lune, les étoiles , ...
C'est la Transat la plus courte, sauf qu'il faut traverser le "Pot au Noir" ou ZIC.
La ZIC (zone intertropicale de convergence)
La zone intertropicale de convergence (ZIC) est la zone de basse pression où se rencontrent les alizés NE de l’hémisphère nord et ceux SE de l’hémisphère sud.
Les vents y sont faibles et de directions variées. La température est d’une trentaine de degrés.
Ces airs chauds et humides créent une grande instabilité qui se caractérise par des grains orageux, accompagnés de rafales de vents dépassant rarement 35 nœuds durant quelques dizaines de minutes.
Ces gros cumulus bourgeonnants se voient de jour comme de nuit à cause des éclairs qui les strient.
C’est spectaculaire mais pas dangereux, à condition de ne pas laisser son spi la nuit …
Les vents
C'est le régime des Alizés. Il n’y a pas de gros vents sur cette traversée vers le Brésil, et on est hors période des cyclones.
L'Alizé de NE peut être fort en se dégageant du Cap Vert pendant 24 à 48 H, et il peut y avoir des rafales à 30 noeuds dans les grains du pot au noir.
En résumé et dans la très grande majorité des cas :
au nord de la ZIC : essentiellement des vents portants de NE,
dans la ZIC : un peu de tout et des grains,
au sud de la ZIC : du SE où il faudra faire 2 à 3 jours de bon plein, adonnant au fur et à mesure de l’arrivée vers Jacaré.
Il n’est pas rare de faire une à deux journées sous spi avant l’arrivée.
Les courants
Au départ du Cap Vert et jusqu’à la ZIC, pas ou peu de courant portant.
A la sortie de la ZIC, courant franchement EST faisant dériver insidieusement le voilier vers les Amériques et vers les rochers de Saint Paul et Saint Pierre…
Ce courant d'Est se sépare en deux branches en touchant les côtes du Brésil : une qui remonte vers le Nord et la Guyane, L'autre qui longe les côtes Brésiliennes vers le Sud.
Il faut absolument passer à l’EST de ces rochers pour ne pas se retrouver face à la branche du courant équatorial qui remonte vers le nord.
La stratégie de traversée
Prendre dès le départ du Cap Vert une route plutôt sud, afin de diminuer l’angle au vent à la sortie de la ZIC et se donner de la marge avec la dérive ouest due au courant équatorial.
Regarder les fichiers Grib pour voir la position de la ZIC et la traverser perpendiculairement, si possible là où elle est étroite.
Dans la ZIC, ne pas hésiter à faire 24 ou 36 heures de moteur pour en sortir rapidement.
Adapter son angle au vent pour être certain de passer à l’est des rochers de Saint Pierre et Saint Paul.
Le trafic des cargos
Peu de trafic et avec l’AIS, on se rend compte des cargos que nous ne voyons pas mais qui passent à quelques milles.
La navigation en est que plus sereine, même s’il ne dispense pas de la veille visuelle car les petits bateaux, comme beaucoup de voiliers ne sont pas équipés d’émetteur.
Ce sera vrai également en longeant le côte brésilienne où les pêcheurs n’ont pas d’AIS.
Sur notre route, on rencontrera deux axes de circulation des cargos :
ligne Rio – Gibraltar
ligne Cape Town – Caraïbes
L'atterrissage au Brésil
Joao Pessoa (Jacaré) est située à l’angle est du Brésil, là où se sépare le courant équatorial.
Donc de là, on peut continuer aussi bien vers le nord que vers le sud.
2018 Transatlantique Cap Vert - Brésil : Réalité
La réalité dépasse la fiction, dit-on.
Présentement, non.
La traversée s'est effectuée conformément aux prévisions, sans casse de matériel ou ennui technique quelconque.
C'est un gage de bonne préparation (à ce qu'on dit sur les pontons).
Vie à bord
Pour cette transat nous étions 4. En effet, à Mindelo nous avons accueilli Karène, jeune bateau stopeuse qui cherchait à rejoindre le Brésil.
Lecture et cuisine !
La cuisine prend vite une grande importance. Jean et Michel se sont répartis le poste de cuisinier. Karène a également participé.
Pour ma part, j'ai fait office de boulanger et j'ai préparé quatre fois du pain avec 500 g de farine chaque fois. La technique s'est améliorée au fur et à mesure.
L'essai au four à gaz s'est montré décevant. La recette cocotte minute est bien, mais le pain est difficile à retrourner.
La cuisson dans la grande poëlle est finalement ce qui réussit le mieux, à condition de séparer les 500 g de pate en 2 parties cuites séparément.
Du 15 au 28 Janvier, Traversée Mindelo - Joao Pessoa (marina Jacaré)
Départ de Mindelo sous un alizé de NE musclé avec 25 à 30 noeuds de vent et une forte houle croisée.
Pendant 2 jours on va naviguer sous génois seul roulé au 3 ème rond, puis au 2 ème avec la GV envoyée avec 2 ris, le vent mollissant un peu.
Cette stratégie "peinarde" pour éviter de casser ou déchirer dès le départ.
Sur une route très sud au 190, Francis, le gérant le la marina de Jacaré nous ayant conseillé de passer à 100 NM à l'Est des rochers Pierre et Paul.
Au 3 ème jour, le génois est déroulé complétement et la GV reste avec 2 ris, ce qui évite de déventer le génois au vent AR.
Le 20, le vent mollit et on envoie toute la toile, soit vent Arrière voiles en ciseau, soit Grand Largue génois tangonné.
Le 21 à 19h 20 TU, Popsea largue la balise Argo Arvor confiée par VSF. La vitesse tombe à 3.5 noeuds. On entre dans le pot au noir.
On fera également route sous spi, sauf que la nuit du 21 au 22, faute de vent, celui s'enroule autour du bas-étai, et il faudra beaucoup de patience et de doigté pour l'amener sans le déchirer.
Depuis, plus de spi la nuit, mais moteur en journée pour avancer et sortie de la ZIC rapidement.
Le 23 on passe à 95 NM à l'Est des rochers Pierre et Paul. C'est au sud de ces rochers que l'on croisera quelques cargos (vus uniquement à l'AIS).
On passera sous 2 grains qui dureront 5 mn chacun, juste le temps de se doucher, sachant que sous le grain la mer s'applatit et le vent faiblit.
Le 23, le vent passe au SE 10 noeuds. On est sorti de la ZIC et on se retrouve au près, bon plein. On alterne avec quelques heures de moteur quand le vent faiblit.
Le 24, à 08h 45 heure locale (on a gardé l'heure du Cap Vert) on passe l'équateur, et on fête cette grande première (sauf pour Michel) au Champagne !
Grains dans la nuit du 25 au 26. On assure en réduisant à 1 ris et 1er rond dans le génois
En journée, le vent adonne et on peut passer sous spi. Celui-ci est affalé avant la nuit.
Les 27 et 28, on enverra toute la toile ainsi que le spi pour arriver de jour en fin de marée montante à Jacaré. On croisera quelques cargos près de la côte.
Le 28 après-midi on entre dans le chenal qui permet d'entrer dans le rio Paraiba, et on remonte le rio sur 5 NM environ
Arrivée au ponton d'accueil vers 16h 30 locale après 1634 NM depuis Mindelo en 13 jours et 4 heures (moyenne : 5,17 noeuds) et 19 h de moteur (y compris la sortie de Mindelo et la remontée du rio Paraiba).